Résidence virtuelle 2: Emmanuelle Laurent (du 1er janvier au 31 mars 2018)
aux éditions du frau: "Weg" (collection "Les intempéries du frau", dans coffret n°6)
"Quoi la musique" (n° 28, collection ordinaire)
"Ventrée" (n° 11, collection Bêtes noires)
"Là" dans frau(x)
Mardi 2 janvier
Il est des textes qui occupent longtemps les rêves quand ils sont en écriture puis qui continuent à chantonner juste à côté du point qu'on dit final.
Dans le sillage de Quoi la musique (Éditions du frau, 2016):
Ce n'est pas le bon prénom. Et ce n'est pas une simple enfant.
C'est rien qui va dans ce qui est dit et dans ce qui reste.
C'est ailleurs, c'est autrefois, c'est du vide et du silence.
Un mort et puis l'autre. Souvenirs de l'autre et absence de l'un.
C'est sans doute de la peur.
C'est du chagrin et, par dessus, du plâtre.
Samedi 6 janvier
Plâtre de la fenêtre intérieure à barreaux.
Plâtre du tour de porte ouverte pour la nourriture et l'hygiène. Chaque jour combien de fois?
Sacs hurlants posés à dos.
Vent blanc de la colère. Celle qui mord la face de qui approche.
Enfants étroits,
toujours étroits,
qui rêvent les rivières où se baigner
et se retournent parfois
sous les regards.
Vendredi 12 janvier
Il faudrait les oublier.
Leur régler leur compte en quelque sorte.
En faire un petit tas
serré.
Et puis courir.
Mais ils restent là
dans les coins.
Ils attendent
qu'un œil s'ouvre ou une oreille
comme une porte.
Dans l'entrebâillure ils glissent
la main
la voix.
Comment leur dire va-t-en ?
Il faudrait chanter des chansons qui les feraient rire.
Leur masser le dos, les pieds.
Les chatouiller.
Il faudrait parfois simplement regarder le ciel.
Vendredi 16 février
ici
on est coincé dans les angles
tenu
maintenu
ici on respire
si peu
à peine
on tient tête au vide
les mots sont tombés
dans un trou
petit
étroit
profond comme une seringue
les mots ne rêvent plus
ils gèlent
ici
il n'y a pas de geste
juste un mur orange
un mur d'alors
qu'on devrait oublier
ou repeindre
un mur fondu dans la tête
on
ça suffit
on
ce n'est rien
un autre plâtre
par-dessus je
je
qui frôle les orties
et attend la brûlure
qui sourit peut-être